Pierrot saura comment le dire…

Derrière ce titre énigmatique, se cache un des marronniers de Sport Évasion. Dans le langage journalistique, un marronnier est un sujet qui revient d’année en année sans aucune nouveauté ni surprise ; une sorte de routine immuable.

Quelle est donc cette chose mystérieuse qui hante les réunions du comité et qui n’est pas encore parvenu à vos oreilles ? Il s’agit en fait du blues du bénévole : une équation impossible à résoudre. Un problème insoluble car il s’agit de satisfaire les désirs de tout le monde, ce qui est impossible à réaliser car bon nombre de ces désirs sont tout bonnement contradictoires. Bref, le but de cet article est donc de mettre le doigt sur ce qui fait (un peu) mal…

Il n’est peut-être pas inutile de rappeler l’intitulé de notre club, Sport Évasion. Sport pour dire effort physique et donc mental, progrès, dépassement de soi. Évasion pour dire sortir de ma routine et aller au contact des autres, de passer un moment convivial en prenant soin d’eux et de changer d’air.

Pas de problème sur l’heure de départ du rendez-vous dominical. Mais ça commence tout de suite après. Le rythme de déplacement. Il est de tradition chez nous, d’accueillir tout le monde et en particulier les débutants car nos savons trop bien quels sont les bienfaits de l’activité physique et surtout, à quel point on progresse bien lorsque l’on est accompagné par un groupe encourageant. Nous avons ainsi l’habitude de faire régulièrement des pauses afin de regrouper les participants pour ne pas les perdre. Chez les coureurs, les premiers reviennent sur leurs pas et accompagnent les derniers jusqu’à l’endroit de la pause pour que le temps d’arrêt ne soit pas trop long, refroidissement musculaire des premiers oblige. Il arrive qu’un problème quelconque survienne et que l’attente soit prolongée. Cela relève de l’accidentel, et c’est facilement accepté de tous. Ce qui pose quelquefois problème, c’est ce qui relève du structurel. Je m’engage dans un groupe dont le niveau est élevé pour moi sans tenir compte du temps d’attente de tous ceux qui m’attendent et qui prennent froid. Je m’arrête entre les pauses par confort personnel en prenant mon temps sans penser à accélérer le rythme ensuite pour compenser mon retard. Pour le bénévole qui organise, qui doit gérer le parcours et qui essaie de tenir un horaire (sauf Pierrot qui en est incapable!) c’est difficile à vivre car dans le même temps, il entend les premiers qui refroidissent. Il en va de même pour un coureur qui se sait en méforme et qui s’engage malgré tout avec un groupe au dessus de ses possibilités. Tous les meneurs ont en mémoire cette sortie où les marcheurs ont dépassé les coureurs car une personne sous-entraînée avait décidé de s’y risquer malgré tout. Résultat de ce comportement léger ? Un groupe de coureurs congelé qui a passé plus de temps à attendre qu’à courir ! Cet exemple frappant est heureusement unique dans nos anales et la vie de Sport Évasion ne saurait se réduire à cette caricature. Cette situation doit toutefois nous interpeler sur ce que vit le bénévole qui a préparé la sortie. Pour bon nombre de sorties « marche » par exemple, un bénévole a reconnu le parcours au préalable. Ça veut dire qu’il y a déjà consacré 3 heures de son temps personnel ! Tenir un horaire de 2 heures avec 30 marcheurs dont la colonne s’étire sur 100 mètres ça n’évolue pas à la même vitesse que le marcheur seul qui a fait la reconnaissance. Aussi lorsque vous êtes contraints par un horaire après la sortie dominicale, vos éventuelles remarques sur les dépassements d’horaires sont forcément mal vécues. Participer à une sortie dominicale, c’est accepter de subir l’inertie d’un groupe imposant. Le meneur la subit de la même manière que vous. Il n’en est pas responsable. Vous venez en connaissance de cause. Si vous avez un horaire à tenir, vous pouvez lui demander le parcours et son estimation. Il vous appartient de faire demi tour au moment que vous jugez opportun pour tenir l’horaire que vous vous êtes fixés. Et il va sans dire que vous avez pris les repères nécessaires en cours de chemin pour le réaliser en autonomie. C’est de votre responsabilité. Si vous n’avez aucune connaissance du massif et si vous n’êtes pas équipés du GPS qui vous indiquera l’itinéraire du retour, abstenez-vous de venir ce jour-là, vous ferez la sortie suivante. Sport Evasion ne peut assurer l’option « retour individuel car je suis attendu chez ma belle-mère ».

S’il n’est pas légalement responsable du groupe, le bénévole se sent néanmoins responsable des personnes qui le suivent. Et notamment aux moments où le groupe emprunte une route départementale. Trente marcheurs au détour d’un virage, c’est très surprenant pour un automobiliste qui vient à 70 km/h. Lorsque le dernier marcheur a quitté la chaussée, le meneur lui, cesse de serrer les fesses. Les participants eux, ont mené leur conversation en toute décontraction…

Cet article aborde la question de notre responsabilité individuelle dans la vie de notre association. Le meneur, le membre du comité, c’est une personne qui donne un peu plus de lui-même par rapport à un membre lambda. Il n’est dépositaire d’aucune vérité et peut se tromper. Il est possible de le lui dire. Il s’agit simplement de tenir compte de tout ce qui précède dans cet écrit avant de le faire. Si l’on se contente d’une remarque sur un dépassement d’horaire ou au contraire sur le manque de rythme de la sortie qui vous laisse sur votre faim, il est fort à parier que l’on va déboucher sur une contrariété, voire une lassitude. Et si les remarques contradictoires se cumulent, on en arrive à l’amertume. Nous n’en sommes pas là fort heureusement. Beaucoup d’entre vous vont ouvrir de grands yeux, tant ils seront étonnés de lire ces lignes. Elles concernent peu de membres mais le cumul des « écarts » finit toujours par produire ses effets néfastes. Mieux vaut donc prévenir que guérir…

Dans n’importe quelle structure qui encadre des activités de pleine nature de manière professionnelle et rémunérée, les groupes ne dépassent jamais 15 personnes par encadrant. De plus, les participants sont quasi toujours testés et mis par groupe de niveau, seule alternative possible pour pouvoir tenir un horaire. Dans ces conditions-là, on peut être regardant sur les horaires. Et même dans ces -bonnes- conditions, les professionnels sont obligés d’allonger leurs horaires pour faire face aux caprices du client roi. On annonce 3 heures pour une descente de rivière qui en prend 2 en temps normal. On se laisse le temps pour faire face à un imprévu ou à un client particulièrement « ch… » qui n’a rien de mieux à faire que de couper les cheveux en quatre. Est-il vraiment opportun d’annoncer des sorties de trois heures pour couvrir les rares sorties où les aléas ont fait que l’horaire est dépassé de 10 ou 20 minutes ? Le bon sens s’impose naturellement. On continue à faire comme d’habitude en comptant sur l’intelligence des uns et des autres. Il n’y a que des adultes à Sport Évasion et l’intelligence de ces adultes, c’est justement l’art de l’adaptation aux circonstances.

Si l’on veut consommer un produit qui ne laisse aucune incertitude, c’est facile, il suffit de brancher son ordinateur et d’aller sur un Facebook ( utilisateurs de cet outil, vous voudrez bien m’excuser pour cette réduction que je sais bien trop caricaturale) ou autre. Quand c’est l’heure, on ferme la boite. Au moins on est sûr de rester dans l’horaire imparti et d’être à l’heure pour l’apéro chez belle-maman !

Si au contraire rencontrer de vrais êtres humains, avec de vrais défauts qui les rendent si délicieusement humains, si les échanges informels comme les plus profonds rendent ces deux heures partagées avec les autres agréables et enrichissantes, si votre tempérament de timide vous permet seulement d’écouter les conversations des autres et de quand même vous trouver à votre place, si vous ne vous sentez pas capable de lire une carte pour créer vous-même votre itinéraire, si vous vous réjouissez de repasser aux même endroits en différentes saisons, si vous avez conscience que cet effort physique fait du bien à votre corps ou si vous éprouvez du plaisir à progresser dans votre pratique, alors la sortie dominicale est faite pour vous.

Je me suis engagé auprès du comité à écrire cet article au mois de janvier, un peu avant mon petit tour aux urgences cardiologiques. Le calme étant revenu, je l’ai écrit. Mais je ne me fais guère d’illusions sur sa portée. Cela fait 40 ans que je fais des mises au point auprès d’enfants. Et ce sont toujours les meilleurs élèves qui ne sont pas concernés qui les prennent à la lettre et qui se sentent les premiers concernés. Ce type d’intervention touche rarement sa cible.

Alors vous , l’immense majorité de ce club, qui avez conscience de la chance énorme que c’est de venir tranquillement les mains dans les poches chaque dimanche matin et de se laisser guider par un être généreux et altruiste qui vous offre son temps, ses compétences et sa bonne humeur et qui a pris le temps de préparer la sortie, vous qui avez la patience de lire un écrit long car l’effort ne vous fait pas peur, vous qui venez au foulées du Loup et qui offrez à votre tour de votre temps pour faire de ce rendez-vous une réussite au service de malades que vous ne connaîtrez jamais, cet écrit n’est pas pour vous. Il est destiné aux enfants gâtés qui oublient un peu trop facilement à qui ils parlent lorsqu’ils ont des griefs à émettre. La critique est toujours possible, elle est même nécessaire par moments. Mais chacun doit avoir à l’esprit qu’avec la critique il faut savoir proposer une alternative ET l’engagement que le changement espéré comprend. Vous avez des idées, des propositions ? Les oreilles du comité sont ouvertes. La bonne volonté des bénévoles qui vous servent est évidente. Mais ce sont des humains et ils ont besoin que leur engagement ait du sens.

Je finirai par un exemple récent tiré de la vie de notre club. Pour préparer le trail de la Louvesc, quelques membres ont émis le désir de se préparer lors d’entraînements nocturnes que nous avons placé le vendredi soir. Les membres du comité et quelques fidèles se sont relayés pour assurer ces sorties et les étoffer par leur présence. Résultat des courses : sur les 8 sorties programmées, nous avons eu 3 nouveaux participants qui sont venus … une seule fois. Les membres du comité ont annulé des rendez-vous, reporté des invitations, se sont astreints à venir malgré leur « vraiment pas envie ce soir », car ils savent à quel point le nombre est un atout dans les conditions hivernales difficiles. Déception, frustration…

Terminer sur une note aussi triste n’est pas pensable. La réalité de Sport Évasion c’est surtout du plaisir pour beaucoup de personnes !

Vous aimez vous faire gâter le dimanche matin ? Le comité est ravi d’accueillir votre bonne volonté et votre intelligence relationnelle !

Prochaine séance de plaisir : dimanche 3 septembre !

1 commentaire

  1. Et bien c est sûr ! Sport Évasion et l’esprit décrit ( extrêmement bien) par Pierrot me convient totalement!! J’adore retrouver mes «  copains de course » le dimanche matin, j adore en ch*** en groupe et vous savez quoi? J aime même me perdre… me planter de chemin, preuve que dans la vie comme dans le sport… même si à un moment on se perd… on finit toujours par retrouver son chemin!
    Pour finir, je ne perds pas l’ idée de progression avec le petit groupe qui se formera à la rentrée.. et toujours avec celle où celui qui se sera donné la peine de nous y accompagner voire de nous y mener!

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